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Après le départ du général de Lastours, le commandement de la Place est assuré par le général de Seroux, du cadre de réserve.
Immédiatement, la Croix-Rouge locale a pris les dispositions nécessaires pour organiser ses hôpitaux du temps de guerre. Elle révise ses marchés conditionnels avec ses fournisseurs et organise ses services de permanence, de brancardiers et de cyclistes.
Le dimanche 2 août, premier jour de la mobilisation, les réservistes appelés sont habillés et équipés. Le soir, de cinq à six heures, de nombreux détachements partent de Compiègne. Ils défilent crânement en ville, acclamés chaleureusement par la population.
Déjà l'on annonce qu'en cas de complication de la situation militaire, Compiègne, ville ouverte, recevrait les blessés et les malades dans les hôpitaux organisés par la Ville et le service de Santé.
Les deux Sociétés de la Croix-Rouge ont mobilisé leurs infirmières qui reçoivent immédiatement leur affectation de service. L'activité des Comités bat son plein. Les permanences centralisent les renseignements et font appel à toutes les bonnes volontés. La Municipalité adresse un appel qui est généreusement accueilli par les habitants, pour obtenir des  lits, du linge et du matériel pour tous les hôpitaux. C'est la mobilisation des civils qui commence. Chacun s'affaire. Chacun sollicite un poste. On s'agite beaucoup. C'est, pour tout dire, l'enthousiasme unanime du début de la guerre.

L'union des Femmes de France s'installe à la nouvelle école Hersan. La Société de Secours aux blessés militaires prend possession du Couvent de la Compassion et du Pensionnat Saint-Joseph et en dehors de Compiègne, d'un hôpital organisé à Vieux-Moulin par le comte Pillet-Will.
Dans la nuit du 2, la Ville est informée de la présence en gare de 800 Italiens évacués des mines de l'Est. Le fourneau économique est chargé de nourrir ces malheureux et de pourvoir à leurs plus pressants besoins. Quand vient le jour, on les installe à la Vénerie Olry et au Clos Pompadour. On organise pour eux des baraquements provisoires sur le terrain des fêtes, jadis consacré aux apothéoses de Jeanne d'Arc.
Les églises, subitement, se sont emplies de fidèles venus  prier pour la paix et pour le sort de nos armes. Que de cierges ont brûlé, allumés d'une main tremblante, que de larmes ont été versées en secret au pied des autels.
Les séparations déchirantes provoquées par le départ aux armées des chefs de famille, les ennuis de toutes sortes causés par l'absence des patrons et des employés dans les maisons de commerce, tout cela s'est fait dignement, comme dans ces scènes de la tragédie classique où les femmes, les épouses prennent avec les responsabilités, la garde du foyer.
Durant tous ces jours de crise, les retraits dans les banques ont été assez importants. Un communiqué destiné à la presse rassure les déposants et les engage à ne pas demander des remboursements précipités.
L'état de siège a provoqué toute une série de mesures de précaution. La Police Municipale, dont l'effectif s'est trouvé dégarni depuis la mobilisation, est renforcée par des citoyens de bonne volonté et c'est ainsi que se constitue la Garde Civique qui rendra tant de services par la suite dans les circonstances délicates.

La surveillance des voies ferrées est assurée de la façon la plus rigoureuse par des détachements de territoriaux. Tous les passages à niveau sont gardés avec vigilance et la circulation des voitures sur route reste soumise à un contrôle sévère.
Mais, d'un autre côté, une préoccupation charitable amenait les édiles à organiser des secours pour faire face à la misère des pauvres gens. Confiants dans ses œuvres officielles, le Bureau de Bienfaisance et le Fourneau économique, la Ville fit distribuer par leur intermédiaire, gratuitement ou à bon compte, des secours d'alimentation en nature à la population nécessiteuse ainsi qu'aux familles laissées dans le besoin par suite du départ aux armées des chefs de famille. Ces établissements, par leur action et l'esprit de solidarité qui y présidait, contribuèrent au soulagement de bien des misères. Centralisées, ces œuvres de bonne volonté fonctionnèrent admirablement sous le contrôle de la municipalité.
Dans le même moment, un appel émanant de la Mairie invita les commerçants et les producteurs au désintéressement, pour éviter les difficultés du ravitaillement. Les journaux recommandaient le calme à la population et mettaient leurs lecteurs en garde contre les nouvelles tendancieuses qui circulaient de tous côtés. (Document) 
Chacun avait l'impression de participer à la guerre et elle n'était pas encore déclarée. Mais sous la menace du danger, la communauté s'était resserrée au bénéfice de l'union sacrée. Bientôt, il fut reconnu nécessaire d'organiser un service de brancardiers pour assurer le transport des blessés. Les différents hôpitaux étaient tous éloignés de la gare et l'outillage en dépôt dans les formations paraissait tout à fait insuffisant (1).

Par une fâcheuse coïncidence, le pavillon militaire de l'hôpital mixte était précisément en réparation. L'administration faisait, en effet, surélever d'un étage le bâtiment affecté à ce service. Pour disposer quand même du nombre de lits fixé dans les conventions, la Ville mit à la disposition du Service de Santé les locaux du Collège qui se trouvaient vides du fait des vacances et de la guerre. Cette annexe était destinée à la chirurgie. Dès que cette détermination fut connue, l'Association des Anciens Elèves du Collège demanda à participer financièrement à l'installation de la salle d'opérations.
Ainsi donc, tout était prêt. En trois jours toute l'organisation du temps de guerre était mise sur pied.
Chaque train transporte des mobilisés. Leur valise à la main, on voit les nouveaux arrivants se diriger vers les casernes où ils échangent leurs vêtements civils contre la tenue des troupes en campagne.

(1). La surveillance de ce service fut confiée à M.M. de Dorlodo et de Segonzac, avec M. Héquet comme directeur. Le siège fut installé au gymnase municipal.